Je suis sidéré par ces gens qui nient la responsabilité humaine dans le saccage des systèmes vitaux de la planète. Confrontés aux dommages évidents que nous causons à la biosphère — changements climatiques, pollution de l’eau et de l’air, tourbillons de déchets plastiques dans les océans, etc. — certains font fi de la réalité ou avancent des raisonnements fallacieux pour discréditer les messagers.
S’il est normal de ne pas s’entendre sur les solutions, il est carrément suicidaire de rejeter la nécessité d’agir. À cet égard, il est absurde de dire qu’on ne peut dénoncer les énergies fossiles et les changements climatiques parce que l’on utilise des produits dérivés de ces énergies fossiles, les claviers de plastique, par exemple.
Il est clair que le pétrole, le charbon et le gaz naturel nous sont extrêmement utiles. Ces sources d’énergie ultra concentrées issues du soleil entrent dans la fabrication d’un éventail de produits, médicaments, lubrifiants, plastiques et autres. Le problème ne réside pas dans les ressources elles-mêmes, mais plutôt dans leur utilisation outrancière. Leur usage plus avisé serait déjà un bon point de départ, d’autant plus que nous disposons très souvent de produits de rechange.
Le recours au pétrole, au charbon et au gaz naturel pour propulser des voitures inefficaces ou pour générer de l’électricité illustre bien le problème. Selon la U.S. Environmental Protection Agency (EPA) de 14 à 30 pour cent seulement du carburant consommé par les voitures à essence servent à la propulsion du véhicule, une masse d’une tonne qui ne sert souvent qu’au déplacement d’une personne de 80 kg. C’est énormément d’énergie pour transporter une personne ou deux.
De ce point de vue, même les véhicules particuliers électriques ou hybrides ne sont pas vraiment efficients, mais ils ont l’avantage de moins polluer que les modèles à essence. Toujours selon l’EPA, de 74 à 94 pour cent de l’énergie consommée par une voiture électrique servent au déplacement du véhicule et de ses passagers. Les véhicules écoénergétiques ou électriques constituent donc un pas dans la bonne direction, mais les transports en commun et les transports actifs comme le vélo et la marche s’avèrent des solutions encore meilleures.
Les centrales électriques alimentées aux combustibles fossiles sont également inefficaces. Seul le tiers de l’électricité qu’elles produisent se rend aux consommateurs. Une grande partie est gaspillée par un usage domestique ou commercial inadéquat, et l’extraction, la transformation et le transport du carburant nécessaire au fonctionnement de ces centrales consomment également beaucoup d’énergie. Dans le cas de la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable, comme le solaire, l’éolien ou la géothermie, nous ne disposons pas de mesures d’efficience exactes, mais les pertes sont nettement moins importantes. Comme ces sources d’énergie sont inépuisables et ne produisent pas d’émissions, le gaspillage ne constitue pas un problème aussi grave que dans le cas des énergies fossiles, bien qu’il demeure important.
Autre problème : la plupart des plastiques sont produits à l’aide de pétrole. Comme pour les carburants, les gens ont commencé à fabriquer des plastiques à partir du pétrole parce que cette ressource était peu coûteuse, abondante ,facile à exploiter et à vendre. Notre système économique fondé sur la consommation et le profit a incité les fabricants de voitures à concevoir des véhicules plus énergivores que nécessaire. De même, les fabricants ont créé beaucoup plus de produits en plastique que nécessaire. En fait, une grande partie de ces produits n’ont d’autre utilité que le profit. Dans certains cas, l’emballage vaut plus que le contenu !
Le problème est devenu si grave que des chercheurs de l’University of Tasmania et de la Royal Society for the Protection of Birds en Australie ont récemment trouvé 18 tonnes de déchets plastiques — 239 articles au mètre carré — sur une petite île du Pacifique située à 5 000 kilomètres de toute habitation humaine. Les scientifiques ont également découvert d’immenses tourbillons de plastique dans les eaux du Pacifique Nord et Sud, avec une densité d’environ 400 000 particules de plastique au kilomètre carré. Pour Jennifer Lavers, chercheuse à l’University of Tasmania, le plastique dans les océans pourrait représenter une menace aussi importante que les changements climatiques. « Qu’il s’agisse de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ou de plastique dans les océans, les deux sont là pour rester », a-t-elle confié à New Scientist.
Comme pour les combustibles fossiles, la première mesure à prendre est de réduire considérablement l’utilisation des plastiques. Il existe des solutions de rechange. Nous devrions tout d’abord recycler l’essentiel de ce que nous produisons. Les plastiques peuvent aussi être faits à partir de ressources renouvelables, comme le chanvre ou toute plante à croissance rapide qui contient de la cellulose. En fait, les plastiques étaient auparavant fabriqués à l’aide de produits d’origine animale comme les cornes et défenses, mais la hausse de leur coût a incité les entreprises à se tourner vers les végétaux, puis vers les produits pétroliers, plus rentables.
Nous pouvons et devons réduire l’utilisation des combustibles fossiles et du plastique. Nous disposons aussi de solutions de rechange et de moyens pour éviter que les plastiques ne se retrouvent dans les océans. Ceux qui tournent le dos au problème et prétendent qu’il n’existe pas ne font que retarder la mise en place de solutions et accélérer notre autodestruction.
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez